Jerry Bundler (1897)

W. W. Jacobs

Temps de lecture : 19 minutes.

L’on était à quelques jours de Noël, une fête pour laquelle la petite ville marchande de Torchester faisait d’amples préparatifs. Les rues étroites, qui avaient grouillé de monde, étaient maintenant presque désertes ; le camelot venu de Londres, avec ce qui lui restait de souffle après les fatigues de la soirée, faisait de faibles efforts pour éteindre sa lampe à naphte, et les dernières échoppes fermaient en hâte pour la nuit. 

Dans le confortable salon du vieux pub de la Tête de Sanglier, une demi-douzaine de clients, principalement des voyageurs de commerce, bavardaient assis à la lumière du feu. La discussion avait dérivé des affaires à la politique, de la politique à la religion, et en était ainsi, par étapes, venue au surnaturel. Trois histoires de fantômes, connues pour ne jamais décevoir, étaient tombées à plat ; il y avait trop de bruit à l’extérieur, trop de lumière à l’intérieur. La quatrième histoire fut racontée par un vieux routier avec plus de succès ; les rues étaient silencieuses, et il avait éteint le bec de gaz. A la lumière vacillante du feu, qui brillait sur les verres et faisait danser les ombres sur les murs, l’histoire s’avéra si captivante que George, le garçon, dont la présence avait été oubliée, causa une sensation fort désagréable en apparaissant soudain d’un coin sombre et en glissant sans bruit hors de la pièce. 

“C’est ce que j’appelle une bonne histoire”, dit l’un des hommes en sirotant son whisky chaud. “Bien sûr, la croyance que les esprits aiment à se mêler à la compagnie des humains est ancienne. Un homme m’a confié un jour qu’il avait voyagé par la Great Western avec un fantôme, et n’en avait eu pas le moindre soupçon jusqu’à ce que le contrôleur vienne vérifier les billets. La façon dont le fantôme essaya de sauver les apparences en tâtant toutes ses poches et en regardant par terre était vraiment touchante, me raconta mon ami. Finalement le fantôme dut s’avouer vaincu et disparut dans un faible gémissement par le ventilateur.”

“Ça ira, Hirst”, dit un autre homme. 

“Ce n’est pas un sujet de plaisanterie”, dit un vieux petit gentleman qui avait écouté attentivement. “Je n’ai moi-même jamais été témoin d’apparition, mais je connais des gens qui en ont vu. Selon moi, elles constituent un lien très intéressant entre nous et l’au-delà. Il y a une histoire de fantôme associée à cette maison, vous savez.”

“Jamais entendu parler”, dit un autre interlocuteur, “et ça fait maintenant quelques années que je viens ici.”

“Cela remonte à bien longtemps”, dit le vieux gentleman. “Vous avez entendu parler de Jerry Bundler, George ?”

“Oh, juste quelques racontars, dit le vieux garçon de café, “mais je n’y ai jamais accordé beaucoup de crédit. Il y avait un type ici qui disait l’avoir vu, et le patron l’a renvoyé sur-le-champ.”

“Mon père était originaire de cette ville”, dit le vieux gentleman, “et il a bien connu cette histoire. C’était un homme honnête et un pratiquant zélé, mais je l’ai entendu déclarer qu’une fois dans sa vie, il avait été témoin d’une apparition de Jerry Bundler dans cette maison.”

“Et, qui était ce Jerry Bundler ?” demanda une voix.

“Un voleur de Londres, un pickpocket, un bandit de grand chemin – prêt à toutes les malhonnêtetés”, répondit le vieux gentleman “et il fut traqué jusque dans cette maison à l’approche de Noël il y a environ quatre-vingts ans. Il prit son dernier souper dans cette pièce même, et après être allé se coucher, deux policiers, qui l’avaient suivi depuis Londres mais avaient perdu sa trace, montèrent avec le propriétaire et tentèrent d’ouvrir la porte. Elle était de chêne massif, et solide, alors l’un des agents se rendit dans la cour, et à l’aide d’une petite échelle monta sur le rebord de la fenêtre, tandis que l’autre restait derrière la porte. La foule qui se trouvait en bas, dans la cour, vit l’agent s’accroupir dans l’encadrement de la fenêtre, puis il y eut soudain un fracas de verre, et il tomba dans un cri, comme une masse, sur les pavés. Alors, à la lumière de la lune, les gens virent le visage blanc du pickpocket jeter un regard furtif par-dessus le rebord, et tandis que certains restaient dans la cour, d’autres se ruèrent dans la maison et aidèrent le second policier à enfoncer la porte. Même là, il leur fut difficile de se frayer un chemin, car Jerry l’avait bloqué avec de lourds meubles. Mais ils finirent par entrer, et la première chose qui frappa leurs yeux fut le corps de Jerry qui se balançait à la tête du lit, pendu avec son propre foulard.”

“Quelle chambre était-ce ?” demandèrent en même temps deux ou trois voix.

Le narrateur secoua la tête. “Cela, je ne puis vous le dire ; mais l’on raconte que Jerry hante encore cette maison, et mon père assurait que la dernière fois qu’il avait dormi ici, le fantôme de Jerry Bundler s’était penché sur lui depuis la tête de son lit et avait essayé de l’étrangler.”

“Soit”, dit une voix mal assurée. “J’aurais souhaité que vous eussiez pensé à demander à votre père de quelle chambre il s’agissait.”

“Pourquoi donc ?” demanda le vieux gentleman.

“Eh bien, j’aurais pris soin de ne pas y dormir, c’est tout”, rétorqua la voix d’un ton bref. 

“Il n’y a rien à craindre”, dit l’autre. “Je ne crois pas un seul instant que les fantômes puissent réellement blesser quelqu’un. En réalité mon père confessait que c’était seulement le caractère déplaisant de la chose qui l’avait bouleversé, et qu’en tout état de cause, les doigts de Jerry auraient aussi bien pu être en coton, pour tout le mal qu’ils eussent pu faire.”

“Fort bien”, dit à nouveau le dernier locuteur ; “Une histoire de fantôme est une histoire de fantôme, monsieur ; mais lorsqu’un gentleman parle d’un fantôme dans la maison où nous allons dormir, je dis qu’il ne se conduit pas en gentleman !”

“Peuh, balivernes !” dit le vieux gentleman en se levant ; “les fantômes ne peuvent vous faire de mal. Pour ma part, j’aimerais bien en voir un. Bonne nuit, messieurs.”

“Bonne nuit”, dirent les autres. 

“Et je souhaite que Jerry vous gratifie d’une visite”, ajouta l’homme nerveux tandis que la porte se refermait. 

“Apportez donc un peu plus de whisky, George”, dit un robuste voyageur de commerce; 

“J’ai besoin de réconfort quand la conversation tourne ainsi.”

“Dois-je allumer le gaz, M. Malcolm ?” dit George.

“Non ; la pénombre est très confortable”, dit le voyageur. “Maintenant, messieurs, est-ce que l’un d’entre vous en sait plus ?”

“Je pense que nous avons eu notre compte”, dit un autre homme ; “nous allons bientôt nous mettre à voir des esprits, et nous ne sommes pas tous comme le vieux gentleman qui vient de nous quitter.”

“Le vieux schnock !” dit Hirst. “J’aimerais le mettre à l’épreuve. Supposons que je me déguise en Jerry Bundler et que je lui donne l’occasion de montrer son courage ?”

“Bravo !”, dit Malcolm d’une voix rauque, étouffant un ou deux faibles “Non”. “Juste pour rire, messieurs.”

“Non, non ! Laissez tomber, Hirst”, dit un autre homme.

“Juste pour rire”, dit Hirst avec enthousiasme. “J’ai quelques affaires à l’étage, dont je vais me servir pour jouer dans “Les Rivaux” – des haut-de-chausses, des boucles, et tout ce genre de choses. C’est une occasion en or. Si vous voulez bien attendre un peu, je vais vous offrir une répétition générale complète, intitulée “Jerry Bundler ou L’Étrangleur Nocturne.”

“Vous ne nous effrayerez pas”, dit le voyageur de commerce dans un rire rauque. 

“Ça, je n’en sais rien”, dit Hirst d’un ton brusque. “C’est une question de jeu d’acteur, c’est tout. Je suis plutôt bon, n’est-ce pas, Somers ?”

“Oh, certes – pour un amateur”, dit son ami en riant.

“Je vous parie 20 shillings que vous ne me ferez pas peur”, dit le gros voyageur.

“Tenu !”, dit Hirst. Je prends le pari de vous effrayer vous en premier, et ensuite le vieux gentleman. Ces messieurs seront juges.”

“Vous ne nous ferez pas peur, monsieur”, dit un autre homme, “car nous sommes préparés ; 

mais vous feriez mieux de laisser le vieil homme tranquille. C’est un jeu dangereux.”

“Très bien, j’essayerai en premier avec vous”, dit Hirst en se levant d’un bond. “Trêve de bavardage.”

Il s’élança d’un pas léger vers sa chambre, laissant les autres, qui pour la plupart avaient bu abondamment, se chamailler à propos de sa conduite. Pour finir, deux d’entre eux allèrent se coucher.

“Il est fou de comédie”, dit Somers en allumant sa pipe. “Il se croit l’égal de n’importe qui, ou presque. Pour ce qui nous concerne, peu importe, mais je ne le laisserai pas aller voir le vieil homme. Et il ne s’en souciera pas, tant qu’il aura eu l’occasion de jouer devant nous.”

“Eh bien, j’espère qu’il va se dépêcher”, dit Malcolm en bâillant, “il est maintenant minuit passé.”

Près d’une demi-heure s’écoula. Malcolm sortit sa montre de sa poche et était occupé à la remonter, quand George, le garçon, qui avait été envoyé faire une course au bar, fit irruption dans la pièce et se rua vers eux.

“Il arrive, messieur”, dit-il à bout de souffle. 

“Eh bien, vous êtes effrayé, George”, dit le gros voyageur de commerce en gloussant.

“C’est arrivé si soudainement”, dit George d’un air penaud. “De plus, je ne m’attendais pas à le voir dans le bar. La lumière est faible là-bas, et il était assis sur le plancher derrière le bar. J’ai failli lui marcher dessus.”

“Oh, vous êtes un poltron, George”, dit Malcolm.

“C’est qu’il m’a pris au dépourvu”, dit le garçon. “Je ne serais pas allé seul au bar si j’avais su qu’il y était, et je crois que vous non plus, monsieur.”

“Des clous !” dit Malcolm. “Je vais aller le chercher.”

“Vous n’avez pas idée, monsieur”, dit George en l’attrapant par la manche. “C’est pas quelque chose à voir par vous-même, ça non. Il a -”

“Qu’est ce que c’était ?”

Il sursautèrent tous au bruit d’un cri étouffé venant de l’escalier. Quelqu’un courait en toute hâte le long du passage. Avant que quiconque ait pu parler, la porte s’ouvrit en grand et une silhouette fit irruption dans la pièce, se jetant haletante et tremblante au milieu d’eux.

“Qu’est-ce que c’est ? De quoi s’agit-il ? demanda sèchement Malcolm. “Allons bon, c’est monsieur Hirst.” Il le secoua vigoureusement, puis porta un peu de liqueur à ses lèvres. Hirst la but goulûment et, dans une vive inspiration, lui étreignit le bras.

“Allumez le bec de gaz, George”, dit Malcolm.

Le garçon obéit prèstement. Hirst, silhouette ridicule et pitoyable en manteau et haut-de-chausses, une grande perruque toute de travers, le visage barbouillé de maquillage, 

s’accrocha à lui en tremblant.

“Que se passe-t-il donc ?”, demanda Malcolm.

“Je l’ai vu”, dit Hirst dans un sanglot hystérique. “O, Seigneur, plus jamais je ne ferai le pitre, plus jamais !”

“Vu quoi ?” dirent les autres.

“Lui – ça – le fantôme – tout !” dit Hirst avec agitation.  

“Sottises !”, dit Malcolm mal à l’aise. 

“Je descendai les escaliers”, dit Hirst. “Juste quelques cabrioles – du cabotinage. Je sentis un tapotement -”

Il s’interrompit brusquement et scruta le passage d’un air nerveux à travers la porte ouverte.

“Je crois que je l’ai vu à nouveau”, chuchota-t-il. “ Regardez – au pied de l’escalier. Vous ne voyez rien ?”

“Non, rien du tout”, dit Malcolm, dont la propre voix tremblait un peu. “Continuez. Vous avez senti un tapotement sur votre épaule-”

“Je me suis retourné et je l’ai vu – une petite tête mauvaise et un visage blanc mort. Pouah !”

“C’est ce que j’ai vu dans le bar”, dit George. “C’était horrible – diabolique !”

Hirst frissonna et, serrant toujours la manche de Malcolm, se laissa tomber sur une chaise. 

“Eh bien, voila une chose des plus inexplicables”, dit Malcolm abasourdi en se tournant vers les autres. “C’est la dernière fois que je viens dans cette maison.”

“Je pars demain”, dit George. “Je ne redescendrai pas seul dans ce bar, non, même pas pour cinquante livres !” 

“C’est d’avoir parlé de la chose qui l’a provoquée, je suppose”, dit l’un des hommes. “Nous en avons tous parlé, nous l’avons eue à l’esprit. En fait, nous avons formé un cercle spirite sans le savoir.”

“Fichu vieux gentleman !” dit Malcolm vivement. “Par ma foi, j’ai presque peur d’aller me coucher. Il est étrange que tous deux aient cru voir quelque chose.”

“Je l’ai vu comme je vous vois, monsieur”, dit George gravement. “P’t-être que si vous gardez les yeux sur le passage, vous le verrez par vous-même.”

Ils suivirent la direction de son doigt, mais ne virent rien, bien que l’un d’eux se figura voir une tête émerger à l’angle du mur.

“Qui descend au bar ?” dit Malcolm en regardant autour de lui.

“Allez-y, si vous voulez”, dit l‘un des autres dans un faible rire. “Nous vous attendrons ici.”

Le gros voyageur se dirigea vers la porte et fit quelques pas dans le passage. Puis il s’arrêta.

Tout était silencieux. Il marcha jusqu’au bout d’un pas lent et regarda avec crainte en direction de la cloison de verre qui fermait le bar. Trois fois il fit mine de s’en approcher ; puis il fit demi-tour et, jetant un coup d’oeil par-dessus son épaule, revint précipitamment dans la pièce. 

“Vous l’avez vu, monsieur ?” murmura George.

“Je ne sais pas”, dit Malcolm d’un ton bref. “J’ai cru voir quelque chose, mais c’est peut-être mon imagination. Je suis d’humeur à voir n’importe quoi en ce moment. Comment vous sentez-vous à présent, monsieur ?”

“Oh, un peu mieux”, dit Hirst assez brusquement, comme tous les yeux se tournaient vers lui. “Je suppose que vous me jugez facilement impressionable, mais vous ne l’avez pas vu.”

“Absolument pas”, dit Malcolm, souriant faiblement malgré lui.

“Je vais me coucher”, dit Hirst, qui avait remarqué le sourire et en était contrarié. “Vous partagerez ma chambre, Somers ?”

“Avec plaisir”, dit son ami, “à condition que vous n’ayez rien contre le fait de dormir avec les lumières allumées toute la nuit.”

Il se leva de son siège et, souhaitant une bonne nuit à la compagnie, quitta la pièce avec avec son ami déconfit. Les autres les accompagnèrent jusqu’au pied de l’escalier puis, ayant entendu leur porte se fermer, retournèrent dans le salon.

“Eh bien, je suppose que le pari est annulé ?” dit le gros voyageur de commerce en tisonnant le feu, puis se tenant debout les jambes écartées devant le foyer. 

“Et, pour autant que je puisse voir, je l’ai gagné. Je n’ai jamais vu un homme aussi effrayé de toute ma vie. Un sorte de justice poétique dans tout ça, n’est-ce pas ?”

“Foin de poésie ou de justice”, dit l’un de ses auditeurs. “Qui dort avec moi ?”

“Moi”, dit Malcolm d’un ton affable.

“Et je suppose que nous partageons une chambre tous les deux, monsieur Leek ?” dit le troisième homme en se tournant vers le quatrième.

“Non, merci”, dit l’autre d’un ton vif. “Je ne crois pas aux fantômes. Si quelque chose entre dans ma chambre, je lui tire dessus.”

“Cela ne blessera pas un fantôme, Leek”, dit Malcolm avec fermeté. 

“Eh bien le bruit me tiendra compagnie”, dit Leek, “et il réveillera la maisonnée. Mais si vous êtes nerveux, monsieur,” ajouta-t-il dans un large sourire à l’homme qui lui avait suggéré de partager sa chambre, “nul doute que George se fera un plaisir de dormir sur le paillasson de votre chambre.”

“Oui, monsieur”, dit George avec ferveur, “et si ces messieurs, voulaient bien descendre au bar avec moi pour éteindre le gaz, je ne pourrais jamais en être assez reconnaissant.”

Ils descendirent comme un seul homme, hormis Leek, en regardant attentivement devant eux. George éteignit les lumières. Ils retournèrent indemnes au salon et, évitant le sourire sardonique de Leek, se préparèrent à se séparer pour la nuit.

“Donnez-moi la chandelle pendant que vous éteignez la lumière, George”, dit le voyageur. 

Le garçon la lui tendit et éteignit le bec de gaz. A cet instant ils entendirent tous, distinctement, un bruit de pas dans le passage à l’extérieur. Le bruit s’arrêta à la porte et tandis qu’ils regardaient, le souffle court, la porte grinça et s’ouvrit lentement. Malcolm tomba en arrière, bouche bée, alors qu’un visage blanc au regard mauvais, les yeux enfoncés, la tête ronde au cou raccourci, apparut dans l’ouverture. 

La créature les considéra pendant quelques secondes, clignant les yeux curieusement à la lueur de la chandelle. Puis, dans un glissement, elle avança de quelques pas dans la pièce et resta là, comme déconcertée. 

Nul ne parla ni ne bougea, mais tous regardèrent avec une horrible fascination la créature retirer le foulard sale qu’elle portait autour du cou, et faire rouler sa tête sur ses épaules. Pendant une minute elle s’arrêta, puis, tendant devant elle le haillon, elle s’approcha de Malcolm. 

La chandelle s’éteignit soudain dans un éclair et une détonation. Il y eut une odeur de poudre, et quelque chose se tordit sur le sol. Une faible toux étouffée, puis le silence. Malcolm fut le premier à parler. 

“Des allumettes”, dit-il d’une voix étrange. 

George en frotta une. Puis il se précipita vers le bec de gaz et enflamma le brûleur. Malcolm toucha du pied la chose sur le sol et la trouva molle. Il regarda ses compagnons. Ils lui murmurèrent des questions, mais il secoua la tête. Il alluma la chandelle et, s’agenouillant, examina la chose silencieuse sur le sol. Puis il se leva promptement, trempa son mouchoir dans la cruche d’eau, se pencha à nouveau et, d’un air sinistre, essuya le visage blanc. Alors il bondit en arrière dans un cri d’horreur incrédule, le pointant du doigt. Leek lâcha son pistolet qui tomba sur le sol et il se couvrit les yeux de ses mains, mais les autres, s’approchant tous ensemble, fixèrent, médusés, le visage mort de Hirst.

Avant qu’un mot ne fut prononcé, la porte s’ouvrit et Somers entra en trombe dans la pièce. Ses yeux se posèrent sur le sol. 

“Grands dieux !”, s’écria-t-il. “Vous n’avez pas-”

Nul ne dit mot.

“Je lui avais dit de ne pas le faire”, dit-il d’une voix pantelante. “Je lui avais dit de ne pas le faire. Je lui avais dit-”

Il s’appuya contre le mur, comme gravement malade, tendit faiblement les mains, et s’écroula évanoui dans les bras du voyageur de commerce. 

FIN de

Jerry Bundler, de W. W. Jacobs