Le crâne hurlant (1908) – Première partie

F. Marion Crawford

Temps de lecture: 34 minutes.

Le crâne hurlant. Première partie de la relation de l’étrange décès de l’épouse du médecin, et de ce qui s’ensuivit.

Je l’ai souvent entendu hurler. Non, je n’ai pas les nerfs fragiles, je n’ai pas l’imagination trop fertile, et je n’ai jamais cru aux fantômes, à moins que cette chose n’en soit un. Quoi qu’il en soit, elle me déteste presque autant qu’elle détestait Luke Pratt, et elle me hurle dessus.

A votre place, je ne raconterais jamais d’affreuses histoires sur les moyens ingénieux de tuer les gens, car vous ne pouvez jamais savoir si quelqu’un à votre table n’en a pas assez d’un de ses proches. Je me suis toujours reproché la mort de Mme Pratt, et je suppose que j’en ai été en quelque sorte responsable, même si Dieu sait que je ne lui ai jamais souhaité que longue vie et bonheur. Si je n’avais pas raconté cette histoire, elle serait peut-être encore en vie. C’est pourquoi la chose me crie dessus, j’imagine.

C’était une bonne petite femme, au tempérament paisible, tout bien considéré, et à la voix douce et agréable ; mais je me souviens l’avoir entendue hurler une fois, quand elle avait cru que son petit garçon avait été tué d’un coup de pistolet alors que tout le monde était certain que l’arme n’était pas chargée. C’était le même cri ; exactement le même, avec une sorte de tressaillement à la fin ; vous voyez ce que je veux dire ? On ne pouvait s’y méprendre.

En vérité, je n’avais pas réalisé que le docteur et sa femme n’étaient pas en bons termes. Ils avaient l’habitude de se chamailler un peu de temps en temps en ma présence, et j’ai souvent remarqué que la petite Mme Pratt devenait toute rouge et se mordait la lèvre pour garder son calme, tandis que Luke pâlissait et disait les choses les plus insultantes. Il était comme ça à la garderie, je m’en souviens, et ensuite à l’école. C’était mon cousin, vous savez ; c’est comme ça que j’ai hérité de cette maison ; après sa mort, et celle de son fils Charley, tué en Afrique du Sud, il n’y avait plus d’autres parents. Oui, c’est une jolie petite propriété, parfaite pour un vieux marin comme moi qui s’est mis au jardinage.

On se souvient toujours beaucoup mieux de ses erreurs que de ses prouesses, n’est-ce pas ? Je l’ai souvent remarqué. Je dînais un soir avec les Pratt quand je leur ai raconté l’histoire qui, par la suite, fit toute la différence. C’était une nuit humide de novembre, et la mer gémissait. Chut ! Si vous vous taisez maintenant, vous allez l’entendre…

Vous entendez la marée ? Un son lugubre, n’est-ce pas ? Parfois, à cette époque de l’année… Ha ! Voila ! N’ayez pas peur, mon vieux, ça ne va pas vous manger, ce n’est qu’un bruit, après tout ! Mais je suis content que vous l’ayez entendu, parce qu’il y a toujours des gens qui pensent que c’est le vent, ou mon imagination, ou autre chose. Vous ne l’entendrez plus ce soir, je suppose, car cela se produit rarement plus d’une fois. Oui, c’est ça. Mettez un peu de petit bois dans le feu, et un peu plus de tafia dans ce breuvage insipide dont vous êtes si friand. Vous vous souvenez du vieux Blauklot, le charpentier, sur ce navire allemand qui nous a recueillis quand le Clontarf a coulé ? Nous nous étions mis en panne, une nuit, aussi à l’aise qu’il est possible dans un grain de tous les diables, sans terre à moins de cinq cents milles, et le navire montait et descendait aussi régulièrement qu’une horloge – « Je blains les bauvres pougres gui sont sur la côte c’tte nuit, mes carçons !” chantait le vieux Blauklot en rejoignant ses quartiers avec le maître-voilier. Je pense souvent à tout ça, maintenant que je suis à terre pour de bon.

Oui, c’était une nuit comme celle-ci, alors que j’étais à la maison pour quelques jours, en attendant de prendre la barre de l’Olympia pour sa première traversée – c’est au voyage suivant qu’elle a battu le record, vous vous en souvenez – mais cela date. C’était en quatre-vingt-douze, début novembre.

Il faisait un sale temps, Pratt était de mauvaise humeur, et le dîner était mauvais, très mauvais même, ce qui n’améliorait pas les choses, et froid, ce qui les rendait encore pires. La pauvre petite dame en était désolée, et elle insista pour préparer un Welsh rarebit (toast au fromage, NdT.) pour compenser les navets crus et le mouton à moitié bouilli. Pratt avait dû avoir une dure journée. Peut-être avait-il perdu un patient. En tout cas, il était d’une humeur massacrante.

« Ma femme essaie de m’empoisonner, vous voyez ! » dit-il. « Elle réussira un jour. » Voyant qu’elle était blessée, je tentais une plaisanterie, et dis que Mme Pratt était beaucoup trop intelligente pour se débarrasser de son mari d’une manière aussi simple ; puis je me mis à leur raconter quelques subtilités japonaises à base de verre filé et de crin haché, et d’autres choses de ce genre.

Pratt était médecin et en savait beaucoup plus que moi sur ces affaires-là, mais cela ne fit que me pousser à en rajouter, et je contai l’histoire d’une femme en Irlande qui s’était débarrassée de trois maris avant que quiconque ne soupçonne le moindre acte criminel.

Vous n’avez jamais entendu cette histoire ? Le quatrième mari a réussi à rester éveillé et l’a coincée, et elle a été pendue. Comment a-t-elle fait ? Elle les a drogués, et a versé du plomb fondu dans leur oreille par un petit entonnoir en corne pendant qu’ils dormaient… Non, c’est le vent qui siffle. Il tourne à nouveau vers le sud. Je peux le dire au son. De plus, l’autre chose se produit rarement plus d’une fois par soir, même à cette époque de l’année – quand cela arrive. Oui, c’était en novembre. La pauvre Mme Pratt est morte subitement dans son lit peu de temps après mon dîner ici. Je peux fixer la date, car j’appris la nouvelle à New York par le vapeur qui suivait l’Olympia lors de son premier voyage. Vous étiez à bord du Leofric la même année ? Oui, je m’en souviens. Quelle paire de vieux briscards nous allons devenir, vous et moi. Presque cinquante ans que nous étions apprentis ensemble sur le Clontarf. Pourrons-nous jamais oublier le vieux Blauklot ? « Je blains les bauvres pougres sur la côte, mes carçons ! » Ha, ha ! Encore une lampée, avec toute cette eau. C’est un vieux Hulstkamp que j’ai trouvé dans la cave quand j’ai hérité de cette maison, celui-là même que j’avais ramené à Luke d’Amsterdam il y a vingt-cinq ans. Il n’en avait jamais touché une goutte. Peut-être qu’il le regrette maintenant, le pauvre.

Où en étais-je ? Je vous disais que Mme Pratt était morte subitement, oui. Luke dut se sentir seul ici après sa mort, je pense ; je venais le voir de temps en temps, et il avait l’air usé et nerveux. Il me dit que sa clientèle devenait trop grande pour lui, bien qu’il ne voulût pas entendre parler de prendre un assistant. Les années passèrent, et son fils fut tué en Afrique du Sud, et après cela, il commença à se conduire bizarrement. Quelque chose en lui était différent. Je crois qu’il est resté professionnel jusqu’à la fin ; on ne s’est jamais plaint d’erreurs flagrantes dans ses diagnostics, ou quoi que ce soit de ce genre, mais il avait un regard… Dans sa jeunesse, Luke était un homme roux au visage pâle. Il n’a jamais été corpulent. Avec l’âge, son teint devint d’un gris sableux, et après la mort de son fils, il devint de plus en plus maigre, jusqu’à ce que sa tête ressemblât à un crâne sur lequel on aurait tendu du parchemin très serré, et il y avait dans ses yeux une sorte d’éclat fanatique très désagréable à regarder.

Il avait un vieux chien que la pauvre Mme Pratt avait beaucoup aimé et qui la suivait partout. C’était un bouledogue ; la bête au tempérament le plus doux qu’on ait jamais vue, bien qu’il ait une façon de retrousser sa lèvre supérieure derrière un de ses crocs qui effrayait beaucoup les étrangers. Parfois, le soir, Pratt et Bumble – c’était le nom du chien – s’asseyaient et se regardaient longuement, en pensant au bon vieux temps, je suppose, à l’époque où la femme de Luke s’asseyait dans votre fauteuil. C’était sa place, et celle où je suis assis était celle du docteur. Bumble avait l’habitude de grimper sur le pouf – il était vieux et gros, il ne pouvait pas sauter bien haut, et ses dents commençaient à trembler. Il regardait fixement Luke, et Luke regardait fixement le chien, son visage ressemblant de plus en plus à un crâne avec deux petits charbons à la place des yeux ; et après environ cinq minutes, peut-être moins, le vieux Bumble se mettait soudainement à trembler de partout, et tout à coup il poussait un hurlement terrible, comme s’il s’était fait tirer dessus, et tombait du fauteuil et s’en allait en trottinant, et il se cachait sous le buffet, et restait là à faire des bruits bizarres.

Vu l’apparence de Pratt ces derniers mois, la chose n’est pas surprenante, vous savez. Je n’ai pas les nerfs fragiles, je n’ai pas l’imagination trop fertile, mais je peux tout à fait croire qu’il put rendre hystérique une femme émotive – sa tête ressemblait tellement à un crâne en parchemin.

Enfin, je vins lui rendre visite un jour à l’approche de Noël, alors que mon bateau était à quai et que j’avais trois semaines de congé. Bumble n’était pas là, et je dis pour bavarder que je supposais que le vieux chien était mort.

« Oui », répondit Pratt, et je trouvai son ton bizarre avant même qu’il ne poursuive. « Je l’ai tué », ajouta-t-il après une petite pause. « C’était devenu insupportable. »

Je lui demandai ce qu’il ne pouvait plus supporter, bien que je l’aie deviné.

« Il avait une façon de s’asseoir dans son fauteuil et de me regarder fixement, puis de hurler », Luke frissonna légèrement. « Il n’a pas souffert du tout, ce pauvre vieux Bumble », poursuivit-il d’un ton empressé, comme s’il pensait que je pouvais imaginer une cruauté de sa part. « J’ai mis de la dionine dans son eau pour le faire dormir profondément, puis je l’ai chloroformé progressivement, afin qu’il ne pût pas ressentir de sensation d’étouffement, même en rêve. Depuis, les choses sont plus tranquilles. »

Je me demandais ce qu’il voulait dire, car les mots avaient glissé hors de sa bouche comme s’il n’avait pu se retenir de les prononcer. J’ai compris depuis. Il voulait dire qu’il n’entendait plus ce bruit aussi souvent depuis que le chien n’était plus là. Il a peut-être pensé au début que c’était le vieux Bumble qui hurlait à la lune dans la cour, mais ce n’est pas ce genre de bruit, n’est-ce pas ? D’ailleurs, moi, je sais ce que c’est, si Luke ne le savait pas. Ce n’est qu’un bruit après tout, et un bruit n’a jamais fait de mal à personne. Mais il avait beaucoup plus d’imagination que moi. Pour sûr, il y a vraiment quelque chose ici que je ne comprends pas ; mais quand je ne comprends pas une chose, je l’appelle un phénomène, et je ne prends pas pour un fait acquis que cela va me tuer, contrairement à Luke. Je ne comprends pas tout, loin s’en faut, ni vous, ni aucun homme qui a été en mer. Nous avions l’habitude de parler de raz-de-marées, par exemple, et nous ne pouvions pas les expliquer ; maintenant, nous les expliquons en les appelant des tremblements de terre sous-marins, et l’on développe cinquante nouvelles théories, dont chacune pourrait rendre les tremblements de terre tout à fait compréhensibles si seulement nous savions ce qu’ils sont. Cela m’est arrivé une fois, et l’encrier a volé directement depuis la table jusqu’au plafond de ma cabine. La même chose est arrivée au capitaine Lecky – j’ose croire que vous l’avez lu dans son livre. Très bien. Si ce genre de chose se produisait à terre, dans cette pièce par exemple, une personne aux nerfs fragiles parlerait d’esprits, de lévitation et de cinquante choses qui ne veulent rien dire, au lieu de se contenter de le considérer comme un « phénomène » qui n’a pas encore été expliqué. C’est mon point de vue sur cette voix, si vous voyez ce que je veux  dire.

D’ailleurs, qu’est-ce qui prouve que Luke a tué sa femme ? Je ne voudrais même pas suggérer une telle chose à quelqu’un d’autre que vous. Après tout, c’est par pure coïncidence que la pauvre petite Mme Pratt est morte subitement dans son lit quelques jours après que j’ai raconté cette histoire au dîner. Elle n’est pas la seule femme à être morte ainsi. Luke a fait venir le médecin de la paroisse voisine et ils ont convenu qu’elle était morte d’un problème cardiaque. Pourquoi pas ? C’est assez commun.

Bien sûr, il y avait la louche. Je n’en ai jamais parlé à personne, et j’ai sursauté quand je l’ai trouvée dans le placard de la chambre. Elle était neuve, elle aussi – une petite louche en fer étamé qui n’avait pas été au feu plus d’une fois ou deux, et dedans il y avait du plomb qui avait été fondu, collé au fond du cuilleron, tout gris, avec des scories durcies dessus. Mais cela ne prouve rien. Un médecin de campagne est généralement un manuel qui fait tout lui-même, et Luke pouvait avoir une douzaine de raisons de faire fondre un peu de plomb dans une louche. Il aimait beaucoup la pêche en mer, par exemple, et il a peut-être coulé un plomb pour une ligne de pêche de nuit ; peut-être était-ce un poids pour l’horloge du couloir, ou quelque chose de ce genre. Quoi qu’il en soit, lorsque j’ai découvert la louche, j’ai ressenti une sensation assez étrange, car c’était en tout point ressemblant à ce que j’avais décrit lorsque je leur avais raconté l’histoire. Vous comprenez ? Cela m’a fait un effet désagréable, et je m’en suis débarrassé ; elle se trouve maintenant au fond de la mer à un mille du cap, et elle sera sacrément rouillée si jamais elle est un jour rejetée par la marée.

Vous voyez, Luke a dû l’acheter au village, il y a des années, car on y vend encore de telles louches. Je suppose qu’on les utilise pour cuisiner. Quoi qu’il en soit, il n’y avait aucune raison de risquer qu’une femme de chambre trop curieuse trouve un tel objet, avec du plomb dedans, et se mette à se poser des questions, et peut-être en parle à la femme de chambre qui m’a entendu raconter l’histoire au dîner – car cette fille a épousé le fils du plombier du village, et elle peut se souvenir de toute l’histoire.

Vous me comprenez, n’est-ce pas ? Maintenant que Luke Pratt est mort et enterré à côté de sa femme, avec une pierre tombale d’honnête homme au-dessus de la tête, je ne veux pas faire quoi que ce soit qui puisse blesser sa mémoire. Ils sont morts tous les deux, et leur fils aussi. Il y a eu assez de problèmes comme ça avec la mort de Luke.

Comment ? Il a été retrouvé mort sur la plage un matin, et il y a eu une enquête du coroner. Il y avait des marques sur sa gorge, mais il n’avait pas été détroussé. Le verdict fut qu’il avait été tué « par les mains ou les dents d’une personne ou d’un animal inconnu », car la moitié du jury pensait que c’était peut-être un gros chien qui l’avait jeté à terre et lui avait saisi la trachée, bien que la peau de sa gorge n’ait pas été déchirée. Personne ne savait à quelle heure il était sorti, ni où il était allé. On l’a trouvé allongé sur le dos au-dessus de l’estran, et sa main était posée sur une vieille boîte à musique en carton, ouverte, qui avait appartenu à sa femme. Le couvercle était tombé. Il semble qu’il ait porté de chez lui un crâne dans la boîte – les médecins sont friands de ce genre de choses. Le crâne avait roulé et reposait près de la tête de Luke, et c’était un crâne remarquablement fin, plutôt petit, magnifiquement formé et très blanc, avec des dents parfaites. La mâchoire supérieure était intacte, mais il n’y avait pas trace de la mâchoire inférieure la première fois que je le vis.

Oui, je l’ai trouvé ici quand je suis arrivé. Vous voyez, il était très blanc et poli, comme une chose destinée à être conservée sous verre, et les gens ne savaient pas d’où il venait, ni ce qu’il fallait en faire ; alors ils l’ont remis dans la boîte et l’ont placé sur l’étagère du placard de la plus belle chambre de la maison, et bien sûr ils me l’ont montré quand j’ai pris possession des lieux. On m’a également amené sur la plage pour me montrer l’endroit où Luke a été découvert, et un vieux pêcheur m’a expliqué comment il était allongé, le crâne posé à côté de lui. Le seul point qu’il ne pouvait expliquer, c’est pourquoi le crâne avait roulé sur le sable en remontant vers la tête de Luke au lieu de descendre vers ses pieds. Cela ne me parut pas étrange sur le moment, mais j’y ai souvent pensé ensuite, car l’endroit est plutôt escarpé. Je vous y emmènerai demain si vous voulez – j’y ai depuis bâti une sorte de cairn.

Lorsqu’il est tombé, ou qu’il a été jeté par terre – peu importe ce qu’il s’est passé – la boîte a heurté le sable, le couvercle s’est détaché, la chose est sortie et aurait dû rouler vers le bas. Mais ça n’a pas été le cas. Il était près de sa tête, la touchait presque, et son visage était tourné vers lui. Je dis que cela ne m’a pas paru bizarre quand l’homme me l’a raconté, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’y penser par la suite, encore et encore, jusqu’à me l’imaginer quand je fermais les yeux ; et alors j’ai commencé à me demander pourquoi la chose infâme avait roulé vers le haut au lieu de descendre, et pourquoi elle s’était arrêtée près de la tête de Luc au lieu de s’arrêter ailleurs, à un mètre de distance, par exemple.

Vous voulez naturellement savoir à quelle conclusion je suis arrivé, n’est-ce pas ? Aucune qui explique cette trajectoire, en tout cas. Mais une autre idée m’est venue en tête, après un certain temps, qui m’a mis franchement mal à l’aise.

Oh, je ne parle pas de surnaturel ! Il y a peut-être des fantômes, ou peut-être pas. S’il y en a, je ne suis pas enclin à croire qu’ils puissent faire du mal aux personnes vivantes, sauf en les effrayant, et, pour ma part, je préfère affronter n’importe quelle espèce de fantôme plutôt qu’une purée de poix dans la Manche lorsqu’il y a du trafic. Non. Ce qui m’a dérangé n’était qu’une idée stupide, c’est tout, et je ne saurais dire d’où elle m’est venue, ni ce qui l’a faite mûrir jusqu’à devenir une certitude.

Je pensais à Luke et à sa pauvre femme, un soir, fumant ma pipe devant un livre ennuyeux, quand il m’est venu à l’esprit que le crâne pouvait être le sien, et, depuis, je ne me suis jamais débarrassé de cette pensée. Vous me direz sans doute que cela n’a aucun sens, que Mme Pratt a été enterrée chrétiennement et qu’elle repose dans le cimetière où on l’a mise, et qu’il est parfaitement monstrueux de supposer que son mari ait gardé son crâne dans sa chambre dans une vieille boîte à musique. Pourtant, en dépit de la raison, du bon sens et des probabilités, je suis convaincu que c’est le cas. Les médecins font toutes sortes de choses bizarres qui donneraient la chair de poule à des hommes comme vous et moi, et ce sont des choses qui ne nous semblent ni probables, ni logiques, ni sensées.

Alors, ne voyez-vous pas ? Si c’est vraiment son crâne, à cette pauvre femme, la seule façon d’expliquer qu’il l’ait eu en sa possession est qu’il l’ait vraiment tuée, et qu’il l’ait fait de la façon dont la femme a tué ses maris dans mon histoire, et qu’il craignait qu’il y ait un jour un examen qui le trahît. Vous voyez, j’avais aussi raconté cela ; je crois que c’est réellement arrivé il y a cinquante ou soixante ans. Ils ont déterré les trois crânes, vous savez, et il y avait un petit morceau de plomb qui cliquetait dans chacun d’eux. C’est ce qui a permis de pendre la femme. Luke s’en est souvenu, j’en suis sûr. Je ne veux pas savoir ce qu’il a fait à ce moment ; je n’ai jamais eu de goût pour les horreurs, et vous non plus, n’est-ce pas ? Non. Mais dans le cas contraire, vous pourriez compléter vous-même cette partie de l’histoire.

Cela a dû être plutôt sinistre, non ? J’aurais aimé ne pas distinguer tout cela si clairement, tout ce qui a dû se passer. Il l’a récupéré la nuit précédant l’enterrement, j’en suis sûr, après que le cercueil ait été fermé, et après que la domestique se soit endormie. Je parierais tout ce que vous voulez que lorsqu’il l’a pris, il a mis quelque chose à la place sous le linceul, pour le rembourrer et lui ressembler. A votre avis, il y a mis quoi, sous le linceul ?

Je ne suis pas surpris que vous me repreniez ! D’abord je vous dis que je ne veux pas savoir ce qui s’est passé, et que je déteste penser à des horreurs, et ensuite je vous décris le tout comme si je l’avais vu de mes propres yeux. Je suis sûr que c’est son sac à ouvrage qu’il a placé là. Je me souviens très bien de ce sac, car elle s’en servait toujours le soir ; il était en peluche marron, et quand il était rempli, il était à peu près de la taille de… vous comprenez. Oui, j’y reviens, encore une fois ! Vous pouvez vous moquer de moi, mais vous ne vivez pas seul ici, là où cela s’est passé, et vous n’avez pas raconté à Luke l’histoire du plomb fondu. Je n’ai pas les nerfs fragiles, je vous le dis, mais parfois je crois commencer à comprendre pourquoi certaines personnes perdent leur sang-froid. Je pense à tout cela quand je suis seul, et j’en rêve, et quand cette chose hurle – eh bien, franchement, je n’aime pas ce bruit plus que vous,même si je devrais y être habitué maintenant.

Je ne devrais pas être si nerveux. J’ai navigué sur un navire hanté. Il y avait un spectre en haut du mât principal, et les deux tiers de l’équipage sont morts de la fièvre jaune moins de dix jours après que nous ayons jeté l’ancre ; mais je me portais bien, alors et après. J’ai aussi vu des choses horribles, tout comme vous, et comme nous tous. Mais rien ne m’est jamais resté en tête comme cela.

Vous voyez, j’ai essayé de me débarrasser de cette chose, mais elle n’aime pas ça. Elle veut rester à sa place, dans la boîte à musique de Mme Pratt, dans le placard de la plus belle chambre de la maison. Elle n’est heureuse nulle part ailleurs. Comment je le sais ? Parce que j’ai essayé. Vous ne pensez pas que je n’ai pas essayé, tout de même ? Tant que le crâne est là, il ne hurle que de temps en temps, généralement à cette époque de l’année, mais si je le porte à l’extérieur, il hurle toute la nuit, et aucun domestique ne veut rester ici plus de vingt-quatre heures. Je me suis souvent retrouvé abandonné et obligé de me débrouiller seul pendant quinze jours. Maintenant, personne du village ne passerait une nuit sous ce toit, et quant à vendre l’endroit, ou même à le louer, il n’en est pas question. Les vieilles femmes disent que si je reste, cela finira mal pour moi aussi avant longtemps.

Cela ne me fait pas peur. Vous souriez à l’idée que quelqu’un puisse prendre au sérieux de telles sornettes. Vous avez tout à fait raison. C’est d’une absurdité flagrante, je suis d’accord avec vous. Ne vous ai-je pas dit que ce n’était qu’un bruit, après tout, lorsque vous avez commencé à regarder autour de vous comme si vous vous attendiez à trouver un fantôme derrière votre chaise ?

Je peux me tromper sur le crâne, et j’aime à penser que c’est le cas – quand je le peux. Ce n’est peut-être qu’un beau spécimen que Luke a obtenu quelque part il y a longtemps, et ce qui cliquette à l’intérieur quand vous le secouez n’est peut-être rien d’autre qu’un caillou, un peu d’argile durcie ou autre chose. Les crânes qui sont restés longtemps dans le sol ont généralement quelque chose à l’intérieur qui cliquette, n’est-ce pas ? Non, peu importe ce que c’est,  je n’ai jamais essayé de l’extraire ; j’ai peur que ce soit du plomb, vous voyez ? Et si c’est le cas, je ne veux pas le savoir, car je préfère ne pas être sûr. Si c’est vraiment du plomb, c’est comme si je l’avais tuée moi-même. Ce n’est pas compliqué à comprendre. Tant que je n’aurai pas de certitude, j’aurai la consolation de me dire que tout cela n’est qu’absurdités ridicules, que Mme Pratt est morte de mort naturelle et que Luke s’est procuré ce beau crâne au temps de ses études à Londres. Mais si j’étais tout à fait sûr, je crois qu’il me faudrait quitter la maison ; oui, je partirais, très certainement. Dans l’état actuel des choses, j’ai dû renoncer à dormir dans la plus belle chambre, celle où se trouve l’armoire.

Vous me demandez pourquoi je ne le jette pas dans l’étang – oui, mais, s’il vous plaît, ne l’appelez pas « monstruosité abjecte » – il n’aime pas être injurié.

Voila ! Seigneur, quel cri ! Je vous l’avais dit ! Vous êtes bien pâle, mon vieux. Bourrez votre pipe, rapprochez votre chaise du feu et buvez un coup. Un petit coup de genièvre n’a jamais fait de mal à personne. J’ai vu un Hollandais à Java boire la moitié d’une cruche de Hulstkamp en une matinée sans broncher. Moi, je ne bois pas beaucoup de rhum, mes rhumatismes ne le tolèrent pas, mais vous, vous n’êtes pas rhumatisant, cela ne vous fera pas de mal. Et puis, la nuit est très humide dehors. Le vent hurle à nouveau, et il sera bientôt au sud-ouest ; entendez-vous le bruit des fenêtres ? La marée a dû tourner aussi, à en croire les roulements des vagues.

Nous ne l’aurions pas entendu si vous n’aviez pas dit cela. J’en suis presque sûr. Oh certes, si vous choisissez d’appeler cela une coïncidence, je vous en prie, mais je préférerais que vous n’insultiez plus cette chose, si vous le voulez bien. Il se peut que la pauvre petite femme l’entende, et peut-être que cela la blesse, comment savoir ? Des fantômes ? Non ! On n’appelle pas fantôme une chose que l’on peut prendre dans ses mains et regarder à la lumière du jour, et qui s’agite quand on la secoue, n’est-ce pas ? Mais c’est quelque chose qui entend et comprend, cela ne fait aucun doute.

J’ai essayé de dormir dans la chambre principale quand je suis arrivé dans la maison, simplement parce que c’était la meilleure et la plus confortable, mais j’ai dû y renoncer. C’était leur chambre, et il y a le grand lit dans lequel elle est morte, et l’armoire est dans un renfoncement dans le mur, près de la tête du lit, à gauche. C’est là qu’elle aime être conservée, dans sa boîte à musique. Je n’ai occupé la chambre qu’une quinzaine de jours, puis j’ai déménagé dans la petite chambre en bas, à côté du cabinet médical, là où Luke avait l’habitude de dormir quand il s’attendait à être appelé auprès d’un patient pendant la nuit.

A terre, j’ai toujours été un bon dormeur ; huit heures, c’est ma dose, onze à sept quand je suis seul, douze à huit quand un ami me rend visite. Mais dans cette chambre, je n’ai jamais pu dormir après trois heures du matin – trois heures et quart, pour être précis – en fait, d’après ma vieille montre de poche, qui fonctionne encore parfaitement, cela se produit toujours à trois heures et dix-sept minutes précises. Je me demande si c’est l’heure à laquelle elle est morte ?

Ce n’était pas le hurlement que vous avez entendu. Si ç’avait été le cas, je n’aurais pas pu le supporter plus de deux nuits. Non, ce n’était qu’un tressaillement dans l’armoire, un gémissement et une respiration intense pendant quelques secondes, et cela ne m’aurait jamais réveillé dans des circonstances ordinaires, j’en suis sûr. Je suppose qu’en cela vous êtes comme moi, et comme tous ceux qui ont été en mer. Aucun bruit naturel ne nous dérange, pas même le vacarme d’un trois-mâts carré luttant contre une tempête déchaînée, ou roulant sur ses flancs face au vent. Mais si un crayon de bois part à la dérive et cliquette dans le tiroir de la table de votre cabine, vous vous réveillez sur-le-champ. C’est comme ça – oui, vous saisissez. Eh bien, le bruit dans l’armoire n’était pas plus fort que cela, mais il m’a réveillé instantanément.

Je vous ai dit que c’était un « tressaillement ». Je me comprends, mais il est difficile de l’expliquer sans avoir l’air de divaguer. Bien sûr, on ne peut pas exactement « entendre » une personne « tressaillir » ; tout au plus, on peut entendre un souffle rapide entre des lèvres entrouvertes et des dents serrées, et le bruit presque imperceptible de vêtements qui remuent subitement, mais très légèrement. C’était quelque chose comme ça.

Vous savez comme on ressent les mouvements d’un voilier deux ou trois secondes à l’avance lorsqu’on est à la barre. Les cavaliers disent la même chose d’un cheval, mais c’est moins étrange, parce que le cheval est un animal vivant avec des sentiments qui lui sont propres, et seuls les poètes et les terriens parlent d’un navire comme d’un être vivant, et tout ce genre de choses. Mais j’ai toujours eu le sentiment qu’en plus d’être une machine à vapeur ou une machine à voile servant à transporter du fret, un navire, en mer, est un instrument sensible, un moyen de communication entre la nature et l’homme, et plus particulièrement l’homme à la barre, s’il est dirigé à la main. Le navire prend ses impressions directement du vent et de la mer, de la marée et des courants, et les transmet à la main de l’homme, tout comme la télégraphie sans fil capte les courants interrompus en altitude et les restitue au sol sous forme de messages.

Vous voyez où je veux en venir : j’ai senti que quelque chose tressaillait dans l’armoire, et je l’ai senti si vivement que je l’ai entendu, bien qu’il n’y ait peut-être rien eu à entendre, et le bruit dans ma tête m’a réveillé en sursaut. Mais j’ai vraiment entendu l’autre bruit. C’était comme un son étouffé dans une boîte, comme s’il provenait d’un appel téléphonique longue distance ; et pourtant je savais qu’il se trouvait dans l’armoire près de la tête de mon lit. Mes cheveux ne se sont pas hérissés et mon sang ne s’est pas glacé cette fois-là. Je n’aimais tout simplement pas être réveillé par quelque chose qui n’avait pas à faire de bruit, pas plus qu’un crayon ne doit cliqueter dans le tiroir de la table de ma cabine à bord d’un navire. Car je ne comprenais pas ; je supposais simplement que l’armoire communiquait avec l’air extérieur, que le vent y était entré et qu’il gémissait à travers elle comme une sorte de cri très faible. J’ai allumé une lampe et regardé ma montre : il était trois heures dix-sept minutes. Puis je me suis retourné et me suis endormi sur mon oreille droite. C’est ma bonne oreille ; je suis plutôt sourd de l’autre, car j’ai heurté l’eau de ce côté-là en plongeant de la vergue du hunier de misaine dans ma jeunesse. C’était stupide, mais le résultat est très pratique lorsque je veux m’endormir quand il y a du bruit.

C’était la première nuit, et la même chose s’est reproduite plusieurs fois par la suite, mais pas régulièrement, bien que ce fût toujours au même moment, à la seconde près ; peut-être que je dormais parfois sur ma bonne oreille, et parfois non. J’ai inspecté l’armoire, et il n’y avait aucun moyen que le vent y pénétre, ou quoi que ce soit d’autre, car la porte est bien ajustée, ayant été conçue pour empêcher les mites d’y entrer, je suppose ; Mme Pratt devait y garder ses affaires d’hiver car elle sent encore le camphre et la térébenthine.

Au bout d’une quinzaine de jours, j’en ai eu assez de ces bruits. Jusqu’alors, je m’étais dit qu’il serait stupide de céder et de sortir le crâne de la chambre. Les choses sont toujours différentes à la lumière du jour, n’est-ce pas ? Mais la voix s’est faite plus forte – je suppose que l’on peut appeler cela une voix – et elle a pénétré aussi dans mon oreille sourde, une nuit. Je m’en suis rendu compte alors que j’étais bien réveillé, car ma bonne oreille était enfoncée dans l’oreiller, et je n’aurais pas pu entendre une corne de brume dans cette position. Mais j’ai entendu la voix, et j’ai perdu mon calme, à moins que je n’aie été effrayé, car parfois les deux sentiments ne sont pas très éloignés. J’ai allumé une lampe, je me suis levé, j’ai ouvert l’armoire, j’ai pris la boîte à musique et je l’ai jetée par la fenêtre, aussi loin que possible.

Puis mes cheveux se sont dressés sur ma tête. La chose a hurlé en l’air, comme l’obus d’un canon de 12 pouces. Elle est tombée de l’autre côté de la route. La nuit était très sombre, et je n’ai pas pu voir le crâne tomber, mais je sais qu’il est tombé au-delà de la route. La fenêtre est juste au-dessus de la porte d’entrée, il y a quinze mètres jusqu’à la clôture, plus ou moins, et la route est large de dix mètres. Ensuite il y a une haie épaisse, le long du terrain qui appartient au presbytère.

Je n’ai plus guère dormi cette nuit-là. Il n’y avait pas plus d’une demi-heure que j’avais jeté la boîte à musique par la fenêtre que j’ai entendu un cri à l’extérieur, comme celui que nous avons entendu ce soir, mais pire, plus désespéré, dirais-je ; et c’est peut-être mon imagination, mais j’aurais juré que les cris se rapprochaient chaque fois un peu plus. J’ai allumé une pipe, fait quelques pas, puis j’ai pris un livre et je me suis assis pour lire, mais que je sois pendu si je peux me souvenir de ce que j’ai lu, ou même de quel livre il s’agissait, car de temps en temps retentissait un cri à faire se retourner un mort dans son cercueil.

Un peu avant l’aube, quelqu’un frappa à la porte d’entrée. J’ouvris la fenêtre et je regardai en bas, car je supposai que quelqu’un, croyant que j’avais repris le cabinet de Luke, voulait voir un docteur. C’était plutôt un soulagement que d’entendre un humain frapper à la porte après ce bruit affreux.

On ne peut pas voir la porte depuis l’étage, à cause du petit porche. On frappa encore, et j’appelai pour demander qui était là, mais personne ne répondit, bien qu’on ait recommencé à frapper. Je criai à nouveau, et dit que le docteur ne vivait plus ici. Il n’y eut pas de réponse, mais je me dit qu’il pouvait s’agir d’un vieux paysan sourd comme un pot. Je pris donc ma bougie et descendis pour ouvrir la porte. Parole, je ne pensais plus à cette chose, et j’avais presque oublié les autres bruits. Je descendis, convaincu que je trouverais quelqu’un dehors, sur le pas de la porte, avec un message. Je posai la bougie sur la table de l’entrée, pour que le vent ne l’éteigne pas lorsque j’ouvrirai la porte. Tandis que je tirais le vieux verrou, j’entendis frapper à nouveau. C’était un son faible, qui me parut étrange et creux maintenant que j’en étais tout proche, cela me revient, mais je ne doutais pas un seul instant qu’il avait été produit par un être humain qui souhaitait entrer.

Ce n’était pas le cas. Il n’y avait personne, mais comme j’ouvrais la porte vers l’intérieur, en me tenant un peu sur le côté, de façon à voir tout de suite dehors, quelque chose roula sur le seuil et s’arrêta contre mon pied.

Je reculai à ce contact, car je savais ce que c’était avant même de baisser les yeux. Je ne peux pas vous dire comment je l’ai su, et cela me parut insensé, car je suis encore à présent tout à fait sûr de l’avoir jeté de l’autre côté de la route. C’est une porte-fenêtre qui s’ouvre en grand, et j’ai pris mon élan en le jetant dehors. De plus, quand je suis sorti au lever du jour, j’ai trouvé la boîte à musique au-delà de la haie épaisse.

Vous pensez peut-être qu’elle s’est ouverte quand je l’ai jetée, et que le crâne est tombé ; mais c’est impossible, car personne ne pourrait jeter une boîte en carton vide aussi loin. C’est hors de question ; vous pourriez aussi bien essayer de lancer une boule de papier ou un œuf d’oiseau soufflé à vingt-cinq mètres.

En rentrant, je fermai et verrouillai la porte du hall, je ramassai l’objet avec précaution, et je le posai sur la table à côté de la bougie. J’ai fait cela machinalement, comme on fait d’instinct ce qui est juste en cas de danger, sans réfléchir – à moins qu’on ne fasse justement le contraire. Cela peut paraître étrange, mais je crois que ma première pensée a été que quelqu’un pourrait venir et me trouver là, sur le seuil, avec le crâne qui reposait contre mon pied, un peu sur le côté, un oeil creux accusateur tourné vers mon visage. La bougie, par un jeu d’ombre et de lumière dans les orbites vides du crâne, donnait l’impression que ses yeux s’ouvraient et se fermaient. Puis la flamme s’éteignit subitement, bien que la porte ait été fermée et qu’il n’y ait pas eu le moindre courant d’air ; et je dus utiliser au moins une demi-douzaine d’allumettes pour la rallumer.

Je m’assis soudainement, sans trop savoir pourquoi. J’avais probablement eu très peur, et vous admettrez peut-être qu’il n’y a pas grand honte à avoir eu peur. La chose était rentrée chez elle, et elle voulait monter à l’étage, dans son armoire. Je restai assis et je la regardai fixement jusqu’à ce que le froid m’envahisse ; puis je la pris, la portai et la remis à sa place, et je me souviens lui avoir parlé, et lui avoir promis qu’elle retrouverait sa boîte à musique le lendemain matin.

FIN de la première partie de

Le crâne hurlant, de F. Marion Crawford.